Couleur franche
Assis dans nos hamacs, Andrew et moi conversions tranquillement.
« - Je me souviens, dit-il, la première fois que j’ai pris la mer. J’avais signé pour la gloire, les honneurs et le Roy… Parfois, nous mangions avec les officiers. Certains osaient même nous confier leurs rêves de gloire, de retour au pays, les bras chargés d’or et de titres... Puis la nourriture a manqué, l’eau avait un goût d’urine. Les coups de fouet remplaçaient les coups de cloche pour marquer les quarts. Il a fallu faire vite...
– C’est comme ça que tu es passé de l’autre côté ? T’aurais pu finir Capitaine, Amiral, Gouverneur peut-être...
– Tss tss… Tu ne sais pas ce que tu dis. Tu crois que ce monde n’est fait que de splendeurs ? Pff… De belles phrases servies par de beaux esprits… Des fourbes oui ! On te fait voir les dorures, le velours et la soie, mais c’est toujours le même mensonge ; tu continues à changer les draps dans lesquels ils chient. Ils t’endorment, leur monde n’est pas honnête !
– Mais c’est pas plus honnête ce qu’on fait...
– Vraiment ?! Tiens, viens voir dehors. »
Andrew me prit par le bras et m’emmena sur le pont. Il déroula les pans d’un pavillon.
Noir.
Le vent gifla les cordages. La voix plus forte, il reprit.
« - Tu vois, ça au moins c’est honnête ! Y’a pas de roublardise ! La mort tenant un sablier, ils savent tous ce que ça veut dire. Ici, pas de droit Divin, à chacun son heure. Le noir ne trahit pas... »
Le vent poussa les nuages. La silhouette d’un navire se découpa sur l’horizon. Un large pavillon flottait à la lune. Rouge.